Appel

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Colloque International:

La Méthode directe d’enseignement des langues Granada (Espagne), 16 et 17 mai 2019 co-organisé par :

 
AphelleCirsil
Henry SweetSihfles

Avec le soutien de HoLLTnet (AILA- Research Network for the History of Teaching Language Learning and Teaching), du Departamento de Filología Francesa et du Departamento de Didáctica de la Lengua y la Literatura (Universidad de Granada).

Argumentaire

Qu’est-ce donc au juste que la Méthode directe ? M. L’inspecteur général des langues vivantes Firmery a répondu à cette question d’une façon extrêmement simple dans son article de la Revue politique et parlementaire (10 octobre 1902)
« C’est, dit-il, par définition, celle d’après laquelle on enseigne une langue directement, c’est-à-dire sans l’intermédiaire de la langue maternelle » (in Rochelle 1906 : 4)

C’est dans les années 1880 que prend naissance un fort mouvement réformateur de l’enseignement des langues vivantes, principalement en Allemagne et en Scandinavie auxquels s’ajoutera la France au début du XXe siècle. On peut situer le point de départ du renouveau réformateur dans l’appel que fait Wilhelm Viëtor en 1882, sous le pseudonyme Quousque tandem, dans son Der Sprachunterricht muss umkehren ! : l’enseignement des langues vivantes doit faire « volte-face », article-manifeste qui devient le symbole du revirement nécessaire. En 1886, est fondée l’Association Allemande des Professeurs de Langues Vivantes (ADNV) ; en 1886 aussi, un groupe de professeurs scandinaves créa, lors de la réunion nordique des philologues, une société pour promouvoir leurs idées. En France, J.-B. Rauber et Charles Schweitzer fondent en 1891 la Société pour la propagation des langues étrangères en France (SPLEF). D’autres associations similaires se créent partout en Europe : en France, l’Association des Professeurs de Langues vivantes (APLV), la Société des Professeurs de Langues Vivantes de l’Enseignement Public ; en Angleterre, la Société Nationale des Professeurs de français; en Belgique, l’Union des professeurs de langues modernes…

À partir de ces Associations, qui publient des revues, qui organisent des Congrès, des conférences et des prises de position dans les journaux, on assiste dans les années 1880-90 à un débat fécond, à travers lequel commence à se dégager peu à peu une voie méthodologiquement nouvelle pour l’enseignement/apprentissage des langues vivantes.

De nombreuses études sur la méthode directe (dorénavant MD) ont été publiées : citons ainsi l’une des premières (en 1935), la thèse de Loretta C. Duffy intitulée La Méthode Directe dans L’Enseignement du Français (Université Loyola, Chicago). Mais aussi, depuis une trentaine d’années, il se produit un véritable renouveau de l’intérêt envers ce courant méthodologique : citons, comme exemples, le colloque qui s'est tenu à Genève en 1991 sur: « Universités européennes, sciences du langage et enseignement des langues. Mouvements d'innovation de 1880 à 1914 » (études publiées à Études de Linguistique Appliquée, 90 ; Bulletin du CILA 56, Cahiers Ferdinand de Saussure 46, Documents 10…), la place centrale qu’occupe la « méthodologie directe » dans l’Histoire des méthodologies de Christian Puren (1988 : 94-207) ; les recherches sur les débats sur la MD au sein de l’Association Allemande des Professeurs de Langues Vivantes entre 1886 et 1914 (Herbert Christ, 1990) ; sur l’enseignement de la phonétique (cf. Elisabet Hammar éd., 1997, et 1998 ; ou Enrica Galazzi, 1991) ; le transfert du savoir-faire didactique de la MD aux Investigations philosophiques de Wittgenstein (Bouquet, 1999) ; l’« archéologie » de la MD (c’est-à-dire, les techniques d’enseignement les plus caractéristiques de la méthode directe qui ont été non seulement pratiquées mais préconisées (cf. la « méthode du père de Montaigne »), bien avant que cette méthode n’émerge en tant que telle (Henri Besse, 2012) ; le mouvement réformiste et la méthode directe en Allemagne (Marcus Reinfreid, 1999) ; les débuts de la MD directe aux États-Unis, avec Lambert Sauveur (Irene Finotti, 2010 et 2013) ; l’enseignement de la grammaire dans la MD (dans des manuels publiés en Turquie, Erdogan Kartal, 2014) ; l’utilisation de la chanson (dans des manuels publiés en Allemagne, voir Andreas Rauch, 2015)… Dans cet aperçu, nous devons faire une place de choix aux six volumes de Foundations of Foreign Language Teaching (A. P. R. Howatt & Richard Smith, 2000) et aux cinq volumes de Modern Language Teaching. The Reform Movement (A. P. R. Howatt & Richard Smith, 2002). Bien d’autres allusions à la MD parcourent les études consacrées à l’historiographie de l’enseignement des langues vivantes en Europe, dans le cas de la Belgique (Berré, 2001), de l’Espagne (Fernández Fraile, 1996), de l’Allemagne (entre autres, la thèse de M. Reinfried, 1990, consacrée à l’image dans l’enseignement des langues étrangères), etc. Et nous en oublions certainement !

Cependant, si les travaux se rapportant à la MD sont très nombreux, ils concernent surtout des aspects partiels, les prolégomènes (Lambert Sauveur, François Gouin, le mouvement réformiste en Allemagne…), les démarches et techniques d’enseignement…, sans qu’aucune vue d’ensemble à l’échelle internationale n’ait été entreprise, qui permette de comprendre l’ampleur de « cette aventure si riche [...] qui se pose ou qui pose tous les problèmes encore actuels de la didactique des LVE » (Puren, 1988 : 191). Courant méthodologique qui mérite donc d’être exploré de façon systématique, autant dans les problèmes théoriques qu’il pose (théories psychologiques, linguistiques ou pédagogiques de référence) que dans les nombreuses réalisations des auteurs, dans de nombreux pays, dans une période longue (1880-1940, et même en deçà et au-delà : certains manuels de la MD sont réédités de nos jours (ainsi, Le Français pour Tous: Par la Méthode Directe, de Noëlia Dubrule, de 1921, a été réédité par Fb &C Limited, en 2016).

De nombreux points de recherche peuvent ainsi être envisagés :

  1. Les facteurs qui président à ce renouveau (révolution ?) méthodologique (d’ordre social, politique, économique), en Europe, mais aussi dans le reste du monde que la MD domine ou influence alors.

  2. Les apports des recherches scientifiques du XIXe siècle (le positivisme ; l’associationnisme en psychologie ; le phonographe d’Edison qui produit une révolution dans les recherches en phonétique, avec la création de l’API ; les théories de W. von Humboldt ou les conceptions naturalistes en linguistique), relayées par les propositions de linguistes/enseignants de langue étrangères tels que Wilhem Viëtor, Otto Jespersen, Henry Sweet, Paul Passy, H.E. Palmer, Henri Laudenbach, Georges Delobel, F. Collard, Charles Schweitzer, E. Rochelle, E. Dodeman…, ou encore les propositions en faveur de création de langues internationales (le volapük, Schleyer, 1879 ; l’espéranto, Zamenhof, 1887).

  3. Le rapport de la MD à des mouvements pédagogiques contemporains : la réforme de l’orthographe de la part des « Sociétés de Réforme Ortografique », les propositions nouvelles pour l’apprentissage de la lecture, les mouvements rénovateurs en faveur d’une pédagogie active (héritiers de Basedow : Demolins, Pestalozzi, Montessori, Decroly…).

  4. Les discussions sur la MD dans les Congrès internationaux de l’enseignement des langues vivantes tenus à l’époque (entre autres à Paris, 1900) ; les Congrès de la Société Nationale des Professeurs de français en Angleterre (SNPFA) ; les Congrès de l’Association des professeurs de langues vivantes (Gand, 1906 ; Liège, 1909 ; Bruxelles, 1911), etc.

  5. Les rapports de la MD avec les revues pédagogiques contemporaines. Citons, parmi d’autres, les suivantes : en Allemagne, le Neuphilologisches Centralblatt (édité par l’ADNV), Die Neueren Sprachen, et après 1902, le Zeitschrift für französischen und englischen Unterricht ; en Suède, la revue professionnelle Verdandi ; en Italie, le Bolletino di Filologia Moderna ; en France, la Revue de l’Enseignement des Langues vivantes, Les langues modernes (organe de la APLV), le Bulletin de la Société pour la propagation des langues vivantes en France (organe de la SPLEF) ; en Espagne, le Boletín de la Institución Libre de Enseñanza…

  6. Les précurseurs de la MD ou encore les rapports avec d’autres « méthodes » contemporaines, telle la méthode des séries de Gouin et de Le Roy, la méthode de Lambert Sauveur, la méthode maternelle d’Irénée Carré.

  7. Les publics concernés, les pays, les périodes où la MD a été appliquée (ainsi, la méthode maternelle, dont celle d’Irénée Carré, qui a été appliquée pour l’enseignement du français en Basse-Bretagne, dans les provinces de France où les populations ne parlaient pas ou peu français, ou encore dans les colonies françaises, cf. Revue pédagogique, 1888).

  8. Les auteurs, leurs réalisations (manuels), leurs caractéristiques spécifiques, les démarches (directe, active, orale, interrogative, intuitive…) et les techniques mises en œuvre (usages de la transcription phonétique, par exemple), les ressources auxiliaires utilisées (tableaux muraux, chansons, images, etc.). Il faudrait ainsi contextualiser ces démarches et ces techniques : refuser de faire usage de la langue maternelle (L1) dans l’enseignement d’une langue étrangère ou seconde (LE-L2) n’est une option méthodologique que lorsqu’on a la possibilité de faire autrement (quand le maître est face à des élèves parlant des L1 différentes, ou quand il ne maîtrise pas lui-même la L1 de ses élèves, c’est une nécessité et non un choix d’ordre didactique).

  9. La réglementation de la MD dans les programmes et les plan d’études des différents pays européens ou hors de l’Europe (États-Unis, Turquie, Russie…), ou encore les orientations didactiques des autorités éducatives des différents pays.

Références bibliographiques (sélection)

  • BERRÉ, Michel (2001). « Quelques remarques sur l’enseignement des langues étrangères (à l’exception du français) en Flandre au XIXe siècle », Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde [En ligne], 26 | 2001, mis en ligne le 14 juillet 2012, consulté le 20 novembre 2017.
    URL:http://dhfles.revues.org/2061
  • BESSE, Henri (2012). « Éléments pour une ‘archéologie’ de la méthode directe ». Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, 49, 11-30
  • BOUQUET, Simon (1999). « De la Méthode Directe aux Investigations philosophiques de Wittgenstein. Savoirs et transferts de savoirs ». Langage et société, Vol. 87, nº 1, 41-77
  • CHRIST, Herbert (1990). « Pour et contre la méthode directe : Les débats au sein de la l’Association Allemande des Professeurs de Langues Vivantes entre 1886 et 1914 ». Études de Linguistique Appliquée, 90, 9-22.
  • CUQ, Jean-Pierre (2003). Dictionnaire de didactique du français. Paris : CLE International.
  • DUFFY, Loretta C. (1935). La Méthode Directe dans L’Enseignement du Français. Chicago : Université Loyola.
  • FINOTTI, Irene (2009). « Le naturel chez Claude Marcel et Lambert Sauveur ». Le Langage et l’Homme, XXXXIV.1, 135-148
  • FINOTTI, Irene (2010). Lambert Sauveur à l’ombre de Maximilian Berlitz : Les débuts de la méthode directe aux États-Unis. Bologne : CLUEB
  • FINOTTI, Irene (2013). « Le sauveur de la grammaire ou la grammaire de Sauveur ? L’enseignement des normes d’après l’initiateur de la méthode directe ». Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, 51.
  • GALAZZI, Enrica (1991). « La méthode phonétique pour l’enseignement du FLE en Italie à travers la lecture du Maître Phonétique et du Bolletino di Filologia Moderna (1894-1910) », Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, 8, 277-300.
  • GERMAIN, Claude (1993). Évolution de l’enseignement des langues : 5000 ans d’histoire. Paris : Clé International.
  • HAMMAR, Elisabet éd. (1997). « Phonétique et pratiques de prononciation. L’apprentissage de la prononciation : chemin parcouru jusqu’à nos jours ». Documents pour l’Histoire du Français Langue Étrangère ou Seconde, 19. Section nº 4 : Le mouvement de la Réforme.
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  • PUREN, Christian (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues. Paris : Nathan, Clé International.
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  • ROCHELLE, E. (1906). La méthode directe dans l’enseignement des langues vivantes. Conférences. Bordeaux : G. Delmas.